Quel est le Meilleur livre pour ado ?

Ce qui est intéressant, c’est de réaliser que l’adolescence est un concept moderne. C’est une période de la vie, entre l’enfance et l’âge adulte, qui n’existait pas ou n’était pas considéré comme une étape en soit avant les années 50. En effet, avant cette époque, on faisait peu d’études et on se mariait tôt, devant de par le fait des adultes bien avant l’âge, tout du moins pour nous autres adulescents. Avant les années 50, et pendant des siècles, la littérature pour « ado » existait belle et bien mais son public n’était pas identifié comme tel ; en règle général, il s’agissait d’un public féminin jeune dont la principale préoccupation, du fait du contexte social, était de trouver un époux acceptable. C’est ainsi qu’est née l’héroïne gothique, victime d’hommes peu scrupuleux et dont la mission,tout au long du roman, est de savoir déjouer les pièges d’amants retors et de trouver un homme digne à marier. Ces jeunes héroïnes sont toutes des adolescentes, époque oblige.

Après 1950 cependant, les choses changent. Les jeunes vont à l’école plus longtemps, font des études supérieures, etc. L’adolescence telle qu’on la connait aujourd’hui prend forme et avec elle, une nouvelle forme de littérature pour jeunes adultes. Ces romans sont ancrés dans la réalité de ces jeunes et dépeignent de façon réaliste ce qui les préoccupe au quotidien, centrés sur des problèmes concrets tels que la toxicomanie, la grossesse ou le deuil, et qui se terminent souvent de manière plus nuancée, douce-amère, qu’heureuse.

La littérature Young Adult d’aujourd’hui réussit le défi de s’adresser à plusieurs profils différents, en dépit de l’âge, du sexe et du profil : il s’adresse aussi bien à l’étudiante qu’à la collégienne et au jeune actif. Cette prouesse s’explique en partie par le caractère fantastique de nombreux romans jeunesse ayant vu le jour ces 20 dernières années, mais pas seulement. Ce qui a été rebaptisé fiction « Young Adult » s’est fortement orientée vers la science-fiction, la fantasy et le surnaturel, mais c’est moins vrai aujourd’hui. Les romans plus réalistes, parce qu’ils sont traités avec réalisme, justement, arrivent aussi à répondre aux préoccupations d’une collégienne comme à émouvoir le trentenaire, capable de s’identifier aisément aux personnages et situations dépeintes. En effet, on est bien loin aujourd’hui des gentilles aventures de Fantomette et du Club des Cinq de la bibliothèque verte, ou de celles un peu puériles des Jumelles de Sun Valley. Les auteurs pour adolescents et jeunes adultes n’hésitent pas à s’attaquer de front aux problèmes les plus profonds et parfois même, les plus sombres, avec lesquels les adolescents sont parfois aux prises(identité sexuelle trouble, abus sexuels, consommation de drogue et d’alcool, addiction, harcèlement à l’école, suicide, etc.). Il s’agit de représenter le meilleur comme le pire de la période adolescente, de façon honnête et réaliste, sans tabous.

C’est cet attachement à la réalité de ce que vivent les jeunes qui attire les adolescents comme les adultes de tous les âges. En effet, en 2012 aux États Unis, pas moins de 55% des livres pour adolescents et jeunes adultes ont été acheté par des adultes âgés de 18 à 44 ans. Le fait que ces ouvrages s’adressent en particulier aux ados n’est pas une limite, au contraire. Les romans Young Adult transcendent complètement leur genre. Cela s’explique évidemment par le contexte actuel, dur, et qui crée le besoin chez beaucoup de trouver un échappatoire et un certain réconfort dans une littérature de l’espoir. Car en effet, si les sujets des œuvres pour adolescents et jeunes adultes sont souvent sombres, dramatiques et dystopiques, elles mettent toujours en scène un héro sou une héroïnes en proie aux circonstances du destin, mais capable de les transcender et de changer le cours de leur propre histoire, et de l’histoire du monde. Harry Potter est constamment confronté à la mort et à la perte de figures parentales, mais il se créé une nouvelle famille grâce aux amitiés profondes qu’il noue à Poudlard, et tous ensemble réunis, ils sont capables de sauver le monde de Voldemort et des forces du mal. Katniss, dans The Hunger Games, est elle aussi confrontée à la mort, à la désolation, à l’injustice et au désespoir. C’est un personnage à la fois triste et courageux, qui va au-delà d’elle-même et de ses forces pour sauver le monde d’un système cruel et inhumain. Le contexte dans lequel ces héros  adolescents évoluent est extraordinaire, mais leurs tourments, eux, sont réalistes et tout le monde peut s’identifier à ce qu’ils traversent sur le plan émotionnel.

Depuis le phénomène Harry Potter, également, la tendance du livre pour ado est au pavé ! Fini le petit bouquin facile et rapide à lire, place au grand format, long et qui vous tient pour des jours ou des semaines, suivant votre rapidité de lecture. En ce sens, Harry Potter est pour certains considéré davantage comme un phénomène d’édition qu’un phénomène littéraire, mais chacun aura son idée sur le sujet. En France, les ventes des trois premiers tomes, au format poche,étaient tout à fait correctes, mais c’est avec la sortie du tome IV, « Harry Potter et la coupe de feu », en grand format en 2000 que les ventes ont explosé (ceci, donc, avant la sortie du premier film au cinéma, en 2001). Ce format, plus luxueux, a donné une certaine noblesse au titre et au genre Young Adult en général, puisque la plus part des titres publiés aujourd’hui le sont au format broché.

A noter toutefois que malgré la révolution engendrée par la saga Harry Potter, nombre de maisons d’édition continuent de se calquer sur un ancien modèle qui sépare les genres et propose des ouvrages « pour filles » et des ouvrages « pour garçon », avec du rose et du bleu en veux-tu en voilà. Dommage, car s’il existe en effet un public pour ces romans ultra-marketés, ils perpétuent une distinction des genres et des intérêts qui vont avec qui n’est plus d’actualité aujourd’hui, et qui n’est pas saine pour les jeunes. Beaucoup de ces livres sont souvent achetés en cadeau par des adultes croyant bien faire, d’ailleurs, ou tout du moins ne pas se tromper, mais les adolescents préfèrent généralement se tourner vers des ouvrages qui semblent, du moins en apparence, les prendre plus au sérieux et s’adressent à tous sans distinction de sexe, avec des couvertures qui ne renvoient pas à leur genre.